Divré Torah sur Métsora’
Par le Rav David A. PITOUN
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בס »ד
2 Divré Torah
METSORA’
- Un moment pour se taire et un moment pour parler
Hashem parla à Moshé en ces termes: « Voici quelle sera la règle imposée au lépreux lorsqu’il redeviendra pur: il sera présenté au Cohen. Le Cohen se transportera hors du camp, et constatera que la plaie de lèpre a quitté le lépreux. Sur l’ordre du Cohen, on apportera, pour l’homme à purifier, deux oiseaux vivants, purs; du bois de cèdre, de l’écarlate et de l’hysope. Le Cohen ordonnera qu’on égorge l’un des oiseaux, au-dessus d’un ustensile d’argile, sur de l’eau vive. Pour l’oiseau vivant, il le prendra ainsi que le bois de cèdre, l’écarlate et l’hysope; il plongera ces objets, avec l’oiseau vivant, dans le sang de l’oiseau égorgé, qui s’est mêlé à l’eau vive; en fera sept aspersions sur celui qui se purifie de la lèpre, et, l’ayant purifié, lâchera l’oiseau vivant vers le champ. (Vaykra 14-1 à 7. Début de notre Parasha)
Rashi :
Étant donné que les plaies (de la lèpre) sont engendrées par la médisance (Lashon Ha-Ra’), qui constitue la conséquence du bavardage, le texte a imposé pour la purification du lépreux, des oiseaux qui passent leur temps à caqueter en babillant (Guémara ‘Ara’hin 16b).
Questions :
- Pourquoi 2 oiseaux ? Un seul n’aurait-il pas suffit ?
- Pourquoi en égorger un et laisser l’autre en vie ?
- Pourquoi lâcher l’oiseau vivant vers le champ, et non vers la mer, le désert ou la ville ?
Dans son livre Apiryonn, le Gaon Rabbi Shélomo GUENZFRIED z.ts.l répond à ces questions en citant les propos de la Guémara ‘Houlin 89a :
Rabbi Its’hak dit : Quel est le sens du verset (Téhilim 58-2) :
« Est-il possible de croire que l’on puisse rester muet ?! Parlez de justice ! Jugez les gens avec droiture ! » ?
La véritable spécificité d’un être humain dans ce monde, c’est de se placer comme un muet. Ceci est-il vrai même pour les paroles de la Torah ? Non, puisque le texte conclut en disant : « Parlez de justice ! … »
Les commentateurs nous rappellent que les sacrifices avaient pour vocation de faire prendre conscience à la personne que tout ce qui est fait à l’animal, l’abatage rituel, la combustion, etc. …, devait lui être normalement infligé pour sa faute, mais Hashem, dans sa grande bonté, lui a épargné tout ça en lui ordonnant d’offrir le sacrifice.
Selon cela, nous pouvons dire que si la Torah ne lui avait exigé qu’un seul oiseau pour sa purification, le lépreux en aurait conclut que la parole est fondamentalement mauvaise, preuve en est, l’abatage de l’oiseau bavard ! Une telle conclusion aurait engendré chez le lépreux un total mutisme, même pour des paroles de Torah.
Mais en réalité, une telle conduite ne serait absolument pas justifiée !
En effet, la Guémara poursuit en demandant : « Ceci est-il vrai même pour les paroles de la Torah ? Non, puisque le texte conclut en disant : « Parlez de justice ! … »
La parole et l’étude de la Torah représente une chose indispensable pour chacun, et en particulier pour une personne qui a trébuché dans la faute du Lashon Ha-Ra’, comme nous l’enseignent nos maitres dans la Guémara ‘Ara’hin 15b) :
Rabbi ‘Hama Bar Rabbi ‘Hanina dit : quel est le moyen de réparation pour une personne qui s’est heurté à la faute du Lashon Ha-Ra’ ? S’il s’agit d’un érudit dans la Torah, qu’il étudie davantage, comme il est dit dans Mishlé (15) « Le remède de la langue c’est l’arbre de vie ». Or, nous savons que lorsqu’on emploi le terme « langue » dans la Torah, il ne s’agit que de Lashon Ha-Ra’.
Afin d’éviter cette erreur, le lépreux doit apporter deux oiseaux le jour de sa purification :
On égorgera l’un des deux afin de faire prendre conscience au lépreux qu’il y a effectivement des paroles pour lesquelles il est préférable de garder le silence.
Mais le deuxième oiseau sera gardé en vie, afin de signifier qu’il existe des paroles qui sont non seulement souhaitées, mais qui entraînent la vie, c’est-à-dire, « Parlez de justice ! … », qui signifie ici étudier la Torah.
Similairement, il est écrit dans le livre de Mishlé (18) :
« La mort et la vie sont entre les mains de la langue. »
De même, nos maitres enseignent dans la Guémara :
« Tous les bavardages sont mauvais, sauf les bavardages de Torah. »
Le fait de lâcher l’oiseau vivant – qui représente l’étude de la Torah – vers le champ, sert aussi à délivrer un message au lépreux.
En effet, le lépreux pourrait faire l’erreur de croire qu’il n’y a pas de différence entre l’étude de la Torah lorsqu’elle est réalisée dans le confort, et l’étude de la Torah lorsqu’elle est réalisée dans la difficulté. Une telle pensée serait totalement erronée, car nos maitres enseignent (Midrash sur Shir Ha-Shirim 7) :
Rava commente le sens de ce verset : « Viens, mon bien-aimé, sortons dans les champs passons la nuit dans les hameaux … »
L’assemblée d’Israël s’adressa à Hashem en disant : Maitre du Monde : ne me juge pas comme les habitants des grandes villes qui sont souvent coupables de vols, de débauche et de parjure. « Sortons dans les champs » Viens, je vais te montrer des érudits de la Torah qui étudient dans la difficulté.
Dans les textes de la Torah, le champ est donc l’allusion à l’étude de la Torah dans la difficulté.
Le fait de lâcher l’oiseau vivant exclusivement vers le champ détourne notre regard en direction des « gens des champs », ceux qui étudient la Torah dans la difficulté.
- Du matériel au spirituel
(A partir des écrits du Gaon Rabbi David SHALITIEL shalita
Il est écrit dans notre Parasha :
« Lorsque vous arriverez dans le pays de Kena’an que je vous concède, je donnerai le fléau de la lèpre dans les maisons où vous résiderez …. Le Cohen ordonnera qu’on détache les pierres atteintes par la plaie et qu’on les jette hors de la ville, dans un lieu impur. Puis il fera gratter la maison intérieurement, autour de la plaie, et l’on jettera la poussière qu’on aura raclée hors de la ville, dans un lieu impur. On prendra d’autres pierres, que l’on posera à la place des premières; on prendra un autre mortier, et l’on recrépira la maison.»
Le fléau de la lèpre dont il est question dans la Torah, n’a strictement rien à voir avec la pathologie que nous connaissons de notre époque.
Preuve en est, la lèpre de la Torah peut frapper même les murs des maisons, comme nous le démontre notre verset.
Les lois qui sont mentionnées dans notre Parasha, et qui sont relatives à la lèpre, ne sont pas en vigueur de notre temps, puisque nous n’avons plus le Beit Hamikdash sans lequel nous ne pouvons pas offrir de sacrifices (comme on doit le faire lors d’une lèpre, selon la Torah), et que nous n’avons plus de Cohen capable d’examiner les personnes ou les murs d’une maison, pour déterminer s’ils sont purs ou impurs.
Selon Rashi, la Torah annonce ici à Israël que la plaie de la lèpre s’abattra plus tard sur leurs maisons (lorsqu’ils habiteront en Erets Israël), à cause des trésors d’or et d’argent que les Kena’anim vont cacher à l’intérieur des murs de leurs maisons, lorsqu’ils vont apprendre qu’Israël s’approche du pays pour en prendre possession sur ordre d’Hashem. Ne voulant pas que toutes leurs richesses passent aux mains d’Israël, les Kena’anim les cachèrent à l’intérieur des murs des maisons.
Par le fléau de la lèpre qui frappera les maisons, les Béné Israël sauront qu’il faut détruire les murs de la maison, et ils trouveront – grâce à cela – l’argent des Kena’anim, avec lequel ils s’enrichiront.
Rashi prend cet enseignement du Torat Cohanim, qui déduit cela à partir des termes « … je donnerai le fléau de la lèpre… » qui indiquent un cadeau pour le peuple d’Israël.
Cet enseignement du Torat Cohanim est également repris par le Zohar Hakadosh, qui émet une remarque :
Si la lèpre dans les murs des maisons, ne doit servir qu’à enrichir les Béné Israël, alors pourquoi la Torah interdit-elle de réutiliser les mêmes pierres et la même terre pour reconstruire ensuite la maison ? L’objectif de la Mitsva est déjà atteint, en trouvant les trésors !
Le Zohar donne une toute autre raison au fléau de la lèpre dans la maison, raison qui va aussi dans l’intérêt d’Israël.
En effet, les Kena’anim construisaient leurs maisons, en invoquant les noms de leurs idoles. Par conséquent, un esprit d’impureté résidait sur la maison.
Hashem a voulu donc faire mériter à Israël de ne pas habiter dans une demeure impure, puisque tout le but de leur venue en Erets Israël n’était que de résider dans un lieu Saint.
C’est donc pour cette raison qu’Hashem ordonne non seulement de détruire la maison frappée de lèpre, mais aussi de ne pas réutiliser les pierres et la terre d’origine, et ainsi, les Béné Israël mériteront de résider dans un endroit réellement Saint.
A partir de ce point, le Zohar Hakadosh poursuit en disant que toute personne qui construit une nouvelle maison, doit stipuler verbalement qu’il construit cette demeure afin qu’elle soit digne et appropriée au Service d’Hashem. A ce moment là, un esprit de Sainteté émanant d’Hashem, va régner sur cette maison.
Tel est le sens du verset, dans le livre de Iyov (Iyov chap.5) :
« … tu assigneras ta maison et ne trouveras rien en défaut. »
Ce qui veut dire, que lorsque tu assigneras ta maison, afin qu’elle soit consacrée au Nom d’Hashem, grâce à cela, reposera sur cette maison, un esprit de Sainteté et de pureté.
C’est ainsi que les Béné Israël se sont comportés lors de la construction du Mishkan.
Pour chaque chose qu’ils réalisaient, ils disaient : « Ceci est pour le Nom d’Hashem », « Ceci est pour le Mishkan », « Ceci est pour le Sanctuaire », « Ceci est pour le Rideau », et c’est grâce à cela, que résidait un esprit de Sainteté sur la demeure d’Hashem.
C’est comme cela que l’on transforme des éléments matériels en éléments spirituels de 1ère importance.
Il en est de même pour toute chose.
Lorsqu’on achète une maison, on doit dire qu’on l’achète Leshem Shamaïm (pour la seule Gloire d’Hashem, même si on l’achète également pour notre propre nécessité), afin que réside un esprit de Sainteté sur cette maison.
Lorsqu’on achète quelque chose en l’honneur de Shabbat, on doit préciser verbalement « ceci est en l’honneur de Shabbat (Li’hvod Shabbat) », et ainsi de suite pour toutes choses.
Grâce à cela, on peut transformer des pierres matérielles en pierres sacrées.
C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons l’usage – lorsque quelqu’un entre dans une nouvelle maison – de procéder à ‘Hanoukat Habaït (inauguration de la maison), en réunissant quelques personnes (un Minyan, pour que la She’hina puisse résider), qui prononceront des paroles de Torah. Cette tradition a une grande importance.
Shabbat Shalom
Rédigé et adapté par Rav David A. PITOUN France 5774