Rav Mordekhay Chriqui- Balak
Rav Mordekhay Chriqui – Balak. Retranscription d’un cours de Rav Mordékhay Chriqui; par Rav Michaël Smadja (5776)
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Bilam était le plus grand des prophètes des nations. Il a osé dire ce que les plus grands prophètes d’Israël n’ont pas pu dire: exprimer cette singularité, ce rapport singulier du peuple juif avec Dieu. Il n’y a pas seulement la notion de malédictions qui se transforment en bénédictions, mais aussi que c’est un non-juif qui va donner les plus grandes bénédictions au peuple juif.
Le verset dit ainsi: « Oui je le vois de la cime des rochers et du haut des collines, je le découvre. Ce peuple vit solitaire et ne se confondra point avec les nations » nous pouvons également traduire par « qui ne sera pas compté parmi les nations », c’est-à-dire que l’on ne tiendra pas compte de son opinion et de ses actions. Rashi rapporte sur ce verset: « lorsque ce peuple est heureux, aucune nation n’est heureuse avec lui ; et lorsque les nations sont heureuses, ils se réjouissent l’un avec l’autre sans inviter le peuple d’Israël »
Rabénou Bé’hayé explique que l’ontologie de ce peuple est la cime des rochers qui représentent les patriarches Avraham, Ytsh’ak et Yaacov. Ce peuple est à la cime de ces trois patriarches lorsque ces trois patriarches sont ensemble.
Le Midrash explique sur ce dernier verset: »Lorsque Dieu a voulu fonder le peuple juif, il a »creusé » la terre jusqu’à ce qu’il trouve un rocher très dur. Mais auparavant, il a creusé et trouvé la génération de Énoch, la génération de la dispersion, la génération du déluge qui ne lui convenaient pas. Jusqu’à ce qu’il trouve Avraham, ce premier rocher puis Ytsh’ak et Yaacov, et par ces trois rochers, Dieu va fonder et construire le peuple d’Israël. C’est-à-dire que de la même manière que Dieu est UN en haut ainsi ce peuple est UN en bas. Le peuple d’Israël représente l’unité divine dans les mondes inférieurs.
Même si ce peuple est constitué d’êtres spécifiques et différents, ensemble ils arrivent à révéler l’unité divine. Et ceci grâce à leurs fondations qui sont les patriarches et aussi les matriarches (le haut des collines) Sarah, Rivka, Rah’el et Léa. Et donc, de ces fondements, ce peuple solitaire va se révéler. Il faut comprendre le mot »solitaire » comme singulier, l’esprit séparé, un peuple qui a une singularité qui va par cela se distinguer des autres nations. Cette distinction provenant de ses fondations qui sont ses ancêtres.
Le Gaone de Vilna explique que ce verset parle de la fin des temps où le peuple d’Israël va rester seul, comme lorsque Yaacov est resté seul après son combat avec l’ange de Essav. Même cet épisode fait allusion à la fin des temps, à la fin de la nuit juste avant le lever du soleil. À la résurrection des morts, seul le peuple d’Israël, et ceux qui sont attachés à lui, vont rester vivants. La majorité de ceux qui vont composer le monde sera le peuple d’Israël. À la fin des temps, ce peuple sera tout seul mais pas maintenant dans l’histoire où il n’est pas seul. Seuls à la fin des temps, le peuple d’Israël et ceux qui le soutiennent, les justes des nations, pourront goûter du rayonnement de la présence divine.
Le Zohar explique que ce peuple est seul avec Dieu. Il est le seul qui peut atteindre cette unité divine. Personne ne peut rentrer avec lui dans cette chambre, dans cette union. Le peuple est construit sur le nom de Dieu, sur le tétragramme, il est la cime des rochers c’est-à-dire des trois axes H’éDeR. H’essed, l’axe de droite pour Avraham, Din l’axe gauche pour Ytsh’ak et l’axe central, Rah’amim pour Yaacov.
Le Ram’hal explique qu’au-delà du nombre et de la multitude des nations, le peuple d’Israël est à l’intérieur de la pensée divine cachée et scellée. Et cette pensée ne correspond pas à la pensée de la création qui est la voie de la gradation. Ce peuple est dans une autre voie de la pensée divine, la pensée de l’unité de Sa toute puissance, dans la voie de l’unité comme il est dit »Israël est monté dans sa pensée », c’est-à-dire qu’il se trouve dans cette pensée unique d’avant la création comme il est dit »la fin qui est l’acte se trouve dans la pensée originelle d’avant le monde ».
Le peuple juif n’est pas compté depuis la création mais avant la création. Il peut atteindre cette unité totale où la toute-puissance divine peut se révéler sans que ce peuple soit anéanti par la puissance de son énergie. Et donc personne ne peut affecter à ce niveau ce peuple car étant dans le bien parfait. Les nations étant dans un niveau de perception d’impureté, de voile, afin de pouvoir exister. Et bien qu’Israël se trouve au milieu des nations, dans cette voie de la gradation, leur sainteté n’est pas affectée. Bien qu’au niveau de son corps, Israël peut être affecté, au niveau de sa sainteté, il ne peut être affecté car elle est du niveau de la voie de la toute-puissance unité divine. Si les nations pensent qu’ils peuvent dominer, ce n’est qu’une illusion car ce peuple est au-dessus du monde de la Bérya [le monde de la création qui est sous le monde de Atsilout-Emanation], les âmes qui composent ce peuple sont au niveau du dessous du trône divin et c’est cela »la cime des rochers » pour le Ram’hal.
Le mot »solitaire » en hébreu »BADAD » à la valeur numérique de 10, c’est-à-dire que ce peuple peut se séparer de ces dix Kélippot, ces dix couches d’impureté qui assombrissent la lumière divine afin de pouvoir exister dans la matière. Ce peuple peut exister même lorsque Dieu envoie sa toute-puissance sur lui qui est la manifestation de l’unité. Mais ceci uniquement à la fin des temps lorsque Dieu révélera son unité au monde. Dans cet exil, Israël va prendre et ramener toutes les étincelles de sainteté qui se trouvent parmi les nations qui elles aussi ont droit à la révélation divine de la fin des temps. Mais cette unification des nations ne peut passer que par le peuple d’Israël.