Parachiyot Béhar-Béhoukotaï – 5777
Yéhouda Moché Charbit
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בס״ד
Pour l’élévation de l’âme Yéhouda Ben David Lalou ainsi que ‘Hanna bat Esther.
Pour la réfoua shéléma de Yitshak Ben Chimone.
Résumé de la Parasha
La paracha béhar traite de deux années particulières: l’année de chémita c’est-à-dire l’année durant laquelle la terre est mise en jachère, et l’année du Yovel (jubilé). La torah détaille donc les règles à suivre durant ces deux années, en passant par la libération des esclaves, les règles que doit suivre un propriétaire vis-à-vis de son esclave aussi bien hébreu qu’étranger, ou encore le retour des terrains vendus à leur propriétaire d’origine..
La paracha de bé’houkotaï clôture le troisième livre de la torah, vayikra. Elle présente une liste de conséquences au respect et au non-respect des commandements de la torah, en citant dans un premier temps la bérakha que suscitera Hachem sur le peuple s’il respecte les injonctions de la torah, puis en détaillant ensuite la malédiction qui risque de s’abattre dans le cas contraire.
Dvar Torah
Dans le chapitre 25 de Vayikra, la torah dit :
א/ וַיְדַבֵּר יְהוָה אֶל-מֹשֶׁה, בְּהַר סִינַי לֵאמֹר׃
1/ Et Hachem parla à Moshé sur le Mont Sinaï en disant :
ב/ דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם, כִּי תָבֹאוּ אֶל-הָאָרֶץ, אֲשֶׁר אֲנִי נֹתֵן לָכֶם–וְשָׁבְתָה הָאָרֶץ, שַׁבָּת לַיהוָה׃
2/ Parle aux bné-Israël et tu leur diras : quand vous viendrez vers la terre que je vous donne, la terre se reposera, un repos pour Hachem.
ג/ שֵׁשׁ שָׁנִים תִּזְרַע שָׂדֶךָ, וְשֵׁשׁ שָׁנִים תִּזְמֹר כַּרְמֶךָ; וְאָסַפְתָּ, אֶת-תְּבוּאָתָהּ׃
3/ Durant six ans tu ensemenceras ton champ, et durant six ans tu tailleras ta vigne et tu engrangeras sa récolte.
ד/ וּבַשָּׁנָה הַשְּׁבִיעִת, שַׁבַּת שַׁבָּתוֹן יִהְיֶה לָאָרֶץ–שַׁבָּת, לַיהוָה: שָׂדְךָ לֹא תִזְרָע, וְכַרְמְךָ לֹא תִזְמֹר׃
4/ Mais la septième année, un repos complet ce sera pour la terre, un chabbat pour Hachem, ton champ tu n’ensemenceras pas et ta vigne tu ne tailleras pas.
Lors de la création du monde,Hachem fait apparaître les plantes et tous les produits de la terre lors du troisième jour, comme il est écrit (chapitre 1, verset 11) : « Que la terre produise des végétaux,à savoir: des herbes renfermant une semence; des arbres fruitiers portant, selon leur espèce, un fruit qui perpétue sa semence sur la terre. » Et cela s’accomplit. ». Cependant, nos sages remarquent (dans le traité ‘houline, page 60) qu’un verset semble aller contre cette affirmation. La torah dit explicitement, au sixième jour de la création (chapitre 2, verset 5) : « Or, aucun produit des champs ne paraissait encore sur la terre, et aucune herbe des champs ne poussait encore; car Hachem-Dieu n’avait pas fait pleuvoir sur la terre, et d’homme, il n’y en avait point pour cultiver la terre ». Ce second verset fait ressortir l’absence de verdure tant que l’homme n’était pas présent. C’est pourquoi, nos maîtres expliquent que jusqu’à ce qu’Adam fasse son apparition, les végétaux se tenaient à la surface de la terre et n’ont éclos qu’a l’arrivée d’Adam.
Sur cela, le Na’halat Binyamine, recherche l’intérêt de la manœuvre : pourquoi créé le potentiel végétal et le laisser en suspend jusqu’à l’arrivée d’Adam. Pour répondre, il apporte l’enseignement du Zohar ‘Hadach (sur routh, 625) comme quoi la torah a précédé le monde de deux mille ans. À ce titre, d’après le décompte de la torah, il s’avère que la création du monde intervient durant la période du Yovel, durant laquelle il est interdit de travailler la terre. C’est pourquoi, Hachem retient les végétaux jusqu’au jour de la naissance d’Adam, car ainsi, la terre ne travaille pas durant le Yovel. Ce n’est qu’au sixième jour, celui où Adam voit le jour et qui n’est autre que Roch Hachana, qu’Hachem autorise aux végétaux de se montrer, car dès lors, le Yovel est terminé et une nouvelle année standard commence.
Cela dénote une corrélation assez étroite entre la création du monde et le Yovel. Quel lien unit ces deux notions ? Pourquoi le Yovel initie-t-il l’oeuvre du Maître du monde ?
Tentons de comprendre.
Le Kli Yakar (vayikra, chapitre 25, verset 2) développe le sens à donner à la mitsvah de la chémita. Cette mitsvah vient pour enraciner la émounah dans le cœur de l’homme. En effet, tout le temps où les bné-Israël voyageaient dans le désert, le fonctionnement ne se basait que sur des phénomènes surnaturels. La subsistance leur parvenait du ciel au travers de la manne et l’eau leur était donnée par le puits de Myriam. Tous les voyages que le peuple a dû faire se faisaient encadrés par les nuées protectrices. En clair, les bné-Israël n’avaient qu’à se consacrer à l’étude de la torah, sans se soucier de quoi que ce soit. Dans de telles conditions, la émounah est une évidence car notre dépendance à Hachem est manifeste. Toutefois, l’arrivée en terre sainte bouleverse les choses, dans la mesure où tous ces miracles disparaissent au profit d’un fonctionnement plus naturel. Les terres doivent être dorénavant cultivées et la nourriture proviendra du travail de l’homme, masquant ainsi la dimension divine de la subsistance. Dans ce contexte, Hachem demande le respect des lois de la chémitah et également de celles du Yovel, afin de pouvoir marquer dans le cœur des hommes que leur survie, leur alimentation, leur richesse, n’est pas le fait de leur travail, mais de l’intervention d’Hachem, seul réel détenteur de droits sur l’univers. Dès lors, pour une année complète durant la chémita, et parfois durant deux ans, lorsque le Yovel intervient, il devient impossible de cultiver les terrains. La seule alternative est de s’en remettre à la bénédiction qu’Hachem accorde durant la sixième, lorsqu’il promet une abondance capable de combler le manque des années de jachère.
Hachem insiste donc pour se manifester, même lorsque le mode de vie des hébreux semblera naturel. La démarche pousse les bné-Israël à ancrer dans leur esprit que leur fonctionnement doit toujours s’inscrire dans le surnaturel.
Cela nous amène au commentaire de Rachi (chapitre 25, verser 18) : « Vous demeurerez sur le pays en sécurité : C’est pour n’avoir pas observé la chemita qu’Israël a été exilée (Avoth 5, 9), comme il est écrit : « Alors le pays jouira de ses repos […] il s’acquittera de ses repos ». Les soixante-dix ans de l’exil de Babylone correspondent aux soixante-dix chemitoth dont l’observance a été négligée. »
En quoi la non-observance de la chémita a-t-elle une répercussion sur la présence juive en Israël ? Pourquoi cette mitsvah est-elle la raison de l’exil ?
Rabbi Yaakov ‘Haï Zrihen (dans son livre choufria déyaakov – yérouchalaïm 671) explique cela de la façon suivante. Il existe deux domaines dans lesquels Hachem exprime clairement son intervention. Le premier est celui de la chémita. En effet, l’abondance d’une année capable de combler le manque des années chômées marque l’aspect surnaturel et divin de cette mitsvah. Le deuxième point marquant est la présence juive sur la terre d’Israël. Aujourd’hui comme à l’époque du beth Hamikdach, le peuple juif est un peuple peu nombreux dont la présence engendre la jalousie de nombreux voisins. Sur un plan parfaitement terre-à-terre, il serait impossible pour ce peuple de pouvoir se développer dans ce pays, tant l’oppression de nos ennemis est grande. Du coup, la survie d’Israël sur sa terre est une manifestation de la volonté divine.
Dès lors, nous nous apercevons que la chémita ainsi que la terre d’Israël ne sont compatibles que lorsque le peuple évolue de façon surnaturelle pour sortir d’un système standard. Lorsque nous approfondissons encore, il apparaît, surtout suite aux propos de Rachi, que les deux points que nous venons d’évoquer sont complémentaires. La chémita correspond à l’attitude du peuple qui accorde une confiance parfaite au Maître du monde, sacrifiant une année de travail pour accomplir Sa volonté. C’est dans cette mesure que les bné-Israël témoignent leur foi à Hachem et sortent du fonctionnement imposé par la nature. En conséquence de quoi, Hachem leur accorde une réciprocité : la terre sur laquelle ils vivent, s’inscrit dans le même fonctionnement qu’eux et devient elle aussi surnaturelle. Du coup, elle est capable de fournir en un an les réserves de trois années consécutives. La terre devient miraculeuse ! Dès lors, elle ne peut être détenue que par un peuple compatible avec le miracle, un peuple confiant envers son Créateur. Réciproquement, si la confiance n’est pas de mise, alors évidemment le retour à la normale s’applique et la terre n’est plus protégée par Hachem. S’en suit inévitablement l’exil dans la mesure où, sur un plan physique, il est impossible qu’un si petit peuple parvienne à repousser tant d’assaillants ! Cela nous permet de comprendre le lien évoqué par Rachi entre l’exil et le non-respect de la chémita.
Cette explication nous offre une réponse à notre première question sur le lien entre la création du monde et le Yovel.
Le premier commentaire de Rachi sur la torah dit : « Rabi Yitshak a enseigné : La Tora, [en tant qu’elle constitue essentiellement un code de lois], aurait dû commencer par le verset : « Ce mois-ci est pour vous le commencement des mois » (Chemoth, 12, 2), puisque c’est par ce verset qu’est édictée la première mitsvah prescrite à Israël. Pourquoi débute-t-elle avec Beréchit ? Car il est écrit « La puissance de Ses hauts faits, Il l’a révélée à Son peuple, en lui donnant l’héritage des nations » (Tehilim 111, 6). Ainsi, si les nations du monde viennent à dire à Israël : « Vous êtes des voleurs, vous avez conquis les terres des sept nations ! », on pourra leur répondre : « Toute la terre appartient au Saint béni soit-Il. C’est Lui qui l’a créée et Il l’a donnée à qui bon lui a semblé. (Cf. Yirmeya 27, 5). C’est par Sa volonté qu’Il les a données à ces peuples, et c’est par Sa volonté qu’Il les leur a reprises et qu’Il nous les a données ! »
En clair, Rachi nous dit que le seul vrai argument pour légitimer notre présence en Israël est la volonté d’Hachem. Toutefois, cela ne peut sonner vrai dans la bouche d’un non-croyant. Ceci ne peut se justifier que pour ceux qui accordent leur confiance au Maître du monde! Par contre, le non-croyant ne peut se revendiquer de la foi pour expliquer sa présence en Israël. Cela fait apparaître ce que nous évoquons : seule la émounah justifie notre possession sur la terre sainte. Dès lors quiconque ne respecte pas la chémita ou le yovel, témoigne de son idéologie et refuse de croire en Dieu. Du coup, il n’a pas d’argument pour justifier sa présence sur la terre et se voit logiquement expulser. C’est par cette information que la torah a voulu commencer, d’où la nécessité d’opérer la création du monde durant le Yovel. Par cela, Hachem marque l’idée que la terre n’existe que pour les croyants !
Cela nous amène à une dernière remarque que le commentaire de Rachi évoque concernant l’exil en Babylonie. La guémara (traité Sanhédrin, page 38b) enseigne : « Rabbi Ocha’ya a dit au nom de Rav : le corps d’Adam Harichone provient (de la poussière de la terre) de Babylonie, sa tête provient d’Israël et le reste de ses membres est issu des autres terres ». Sur ce commentaire, Rachi dit : « Son corps provient de Babel car c’est la terre la plus profonde, il semble donc que ce soit de là-bas qu’il vienne. Sa tête provient de la terre d’Israël qui est la plus haute et la plus importante de toutes les terres. » » Or nos sages précisent que la néchama, la partie divine qui nous habite, se loge dans la tête au niveau du cerveau (cf éven ‘ézra, sur chémot, chapitre 23, verset 25). Il apparaît donc que la partie divine, celle qui témoigne de notre orientation vers la sainteté et qui nous amène à la émounah tire sa source d’Israël. À l’inverse, le corps, qui lui est la base des pulsions et du mauvais penchant provient de Babylonie ! Il apparaît donc normal alors de trouver que ceux qui n’ont pas respecter la chémita, se soient vus exilés en Babylonie dans la mesure où ils ont plus valorisé le corps que leur néchama en refusant d’adhérer à une foi totale en Hachem !
Ce développement nous amène à un rappel fondamental concernant notre terre. Bien que tout juif ait à l’esprit le caractère saint du pays d’Israël, nous sommes malheureusement très négligeants quant au respect à lui accorder. Tristement considérée comme un lieu de vacances, Israël est bafouée par notre comportement et les avérot que nous y faisons. Il faut comprendre que s’il y a bien un lieu où justement il ne faut pas agir avec légèreté c’est le pays du peuple juif car son fonctionnement est strictement spirituel, le rendant incompatible avec l’impureté engendrée par les fautes. C’est à chacun d’avoir cela à l’esprit et d’intensifier son sérieux et sa pratique lorsqu’il pose le pied dans le pays choisi par Hachem. Cette attitude justifiera peut-être qu’Hachem veuille rendre toute sa gloire à notre terre en revenant y installer son temple amen ken yéhi ratsone.
Chabbat chalom.