Paracha Vayélekh – 5777 Yéhouda Moshé Charbit
Paracha Vayélekh
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בס״ד
Pour l’élévation de l’âme Yéhouda Ben David Lalou ainsi que ‘Hanna bat Esther.
Pour la réfoua shéléma de Yitshak Ben Chimone.
Résumé de la Paracha Vayélekh
La paracha Vayélé’h met en scène la passation de pouvoir de Moshé Rabbénou à Yéhochoua, son serviteur. Ainsi Moshé rappelle au peuple qu’arrivé à 120 ans, il ne pourra pas les faire traverser le Jourdain et les conduire en Israël. C’est pourquoi, une nouvelle fois Moshé encourage le peuple à la bravoure et à la confiance envers Hakadoch Baroukh Hou. De même, Moshé encourage Yéhochoua, son successeur et lui rappelle la promesse qu’Hachem ne l’abandonnera pas. La paracha se conclut par l’annonce faite par Hachem à Moshé, que plus tard, le peuple s’égarerait du chemin de la Torah et que la colère divine s’abattrait sur ce dernier à ce moment. Suite à cela, Moshé achève l’écriture de la Torah qu’il confie aux Cohanim afin qu’ils la déposent avec l’arche.
Dvar Torah
Dans le chapitre 31 de Dévarim, la torah dit :
:א/ וַיֵּלֶךְ, מֹשֶׁה; וַיְדַבֵּר אֶת-הַדְּבָרִים הָאֵלֶּה, אֶל-כָּל-יִשְׂרָאֵל
1/ Moshé alla et adressa ces paroles à tout Israël.
:ב/ וַיֹּאמֶר אֲלֵהֶם, בֶּן-מֵאָה וְעֶשְׂרִים שָׁנָה אָנֹכִי הַיּוֹם–לֹא-אוּכַל עוֹד, לָצֵאת וְלָבוֹא; וַיהוָה אָמַר אֵלַי, לֹא תַעֲבֹר אֶת-הַיַּרְדֵּן הַזֶּה
2/ Il leur dit : C’est âgé de cent vingt ans que je suis aujourd’hui, je ne peux plus sortir et entrer et Hachem m’a dit : « tu ne traverseras pas ce Jourdain. »
ג/ יְהוָה אֱלֹהֶיךָ הוּא עֹבֵר לְפָנֶיךָ, הוּא-יַשְׁמִיד אֶת-הַגּוֹיִם הָאֵלֶּה מִלְּפָנֶיךָ–וִירִשְׁתָּם; יְהוֹשֻׁעַ, הוּא עֹבֵר לְפָנֶיךָ, כַּאֲשֶׁר, דִּבֶּר יְהוָה׃
3/ Hachem ton Dieu, Lui, Il traversera devant toi, Lui, Il exterminera ces peuples de devant toi et tu en prendras possession, Yéhochoua, lui, il traversera devant toi comme Hachem a dit.
En écho du dvar torah de l’année dernière sur cette même paracha, dans lequel nous évoquions la grandeur de Moshé, nous allons tenter de développer plus encore le sujet.
Le premier mot de notre paracha suggère un déplacement de Moshé : « וַיֵּלֶךְ, מֹשֶׁה Moshé alla ». Toutefois, la suite du texte ne répond pas à une question évidente : où ? La torah amorce un sujet, celui du mouvement de Moshé sans préciser sa direction, il est juste « allé » ? Comme nous le savons, si la torah est avare en détails, c’est que le sujet cache une profondeur qu’il convient d’explorer.
Tentons de comprendre.
Comme nous l’avions souligné l’année dernière, Rachi apporte le commentaire suivant sur les mots « לֹא-אוּכַל עוֹד, לָצֵאת וְלָבוֹא je ne peux plus sortir et venir » : « les sources de la sagesse et de la connaissance se sont fermées pour lui ». La question qu’il convient d’ajouter à notre propos précédent est celle du lien entre le texte de la torah et le commentaire de Rachi. En quoi les mots »sortir » et »venir » font-ils référence à la torah ? Plus encore, un des mots semble inutile. Écrire que Moshé ne pouvait plus »sortir » ou stipuler qu’il ne pouvait plus »venir » aurait suffit pour connoter la limite dont la torah cherche à traiter, pourquoi alors doubler le langage ?
Pour apporter un élément de réponse, il nous faut citer un commentaire du Or Ha’haïm sur le verset suivant (béréchit, chapitre 47, verset 29) :
וַיִּקְרְבוּ יְמֵי-יִשְׂרָאֵל, לָמוּת, וַיִּקְרָא לִבְנוֹ לְיוֹסֵף וַיֹּאמֶר לוֹ אִם-נָא מָצָאתִי חֵן בְּעֵינֶיךָ, שִׂים-נָא יָדְךָ תַּחַת יְרֵכִי; וְעָשִׂיתָ עִמָּדִי חֶסֶד וֶאֱמֶת, אַל-נָא תִקְבְּרֵנִי בְּמִצְרָיִם
Les jours d’Israël approchant de leur terme, il manda son fils Yossef et lui dit: « Si tu as quelque affection pour moi, mets, je te prie, ta main sous ma hanche pour attester que tu agiras envers moi avec bonté et fidélité, en ne m’ensevelissant point en Egypte.
Ce texte nous montre que Yaakov était au courant de sa mort imminente, ce qui explique pourquoi il appelle son fils. Le Or Ha’haïm explique que Yaakov était au courant par les propos du Zohar (tome 1, page 217b) comme quoi « trente jours avant la mort d’une personne, lui est retiré son tsélem (qui peut se traduire par son image) ». À cela, le Or Ha’haïm ajoute les propos du Arizal (cha’ar pénimi vé’hitsone, page 243b) : « La néchama se subdivise en plusieurs étincelles, et chaque réincarnation constitue l’arrivée d’un petit nombre de ces étincelles. En fonction du nombre d’étincelles du tsélem, est déterminé le nombre de jours de vie de l’individu. Les jours durant lesquels il fera des mitsvot auront pour effet de réparer une étincelle du tsélem, et réciproquement, les jours dépourvus de mitsvot laisserons une étincelle avec son défaut. »
Sur cette base, le Or Ha’haïm explique beaucoup de choses intéressantes. La première concerne le profond du sommeil. Ce dernier constitue le moyen de faire monter l’étincelle de chaque journée passée. En effet, comme nous venons de le voir, ces étincelles déterminent le temps de vie d’une personne. Une fois la journée terminée, elles ne peuvent plus restées dans le monde et rejoignent les sphères spirituelles. La fin d’une journée constituant la perte d’un temps de notre vie, elle doit s’adjoindre à une suppression de notre source de vie, ce qui explique pourquoi une étincelle nous quitte. C’est à ce titre que nos sages ont enseigné dans le talmud (traité bérakhot, page 57b) que « le sommeil constitue un soixantième de la mort » car au sens propre du terme, une partie de notre âme nous quitte. Bien évidemment, une étincelle qui serait montée en état d’imperfection conséquent à nos fautes peut toujours être réparée par la téchouva.
Cela nous apporte également une raison cohérente à la diminution de la durée de vie humaine au fil des âges. En effet, au début de l’histoire du monde, la torah parle d’hommes vivants pendant des siècles. Adam a ainsi atteint l’âge de 930 ans ! Cela force la comparaison avec notre durée de vie atteignant tout juste la centaine d’années pour quelques rares cas. La différence se trouve justement dans le travail qui nous est confié. En effet, nous venons de voir que le temps de vie dépendait du nombre d’étincelles dont nous disposions, ces dernières devant être réparées au rythme d’une par jour. La durée de vie d’une personne est donc indicatrice de la masse de travail qui lui est confiée dans sa vie. Plus le temps est long, plus le travail est grand. Au temps des premiers hommes, Hachem confiait donc à chacun un travail fastidieux et sur la durée, certains en perdaient de vue l’objectif. C’est pourquoi, voyant la difficulté, Hachem a allégé la charge des hommes en diminuant le nombre d’étincelles à leur donner à réparer. De sorte, le travail est plus facile, mais aussi, l’individu n’oublie pas qu’il a peu de temps pour terminer la tâche qui est la sienne.
Cela nous amène à saisir une des raisons pour lesquelles l’âge a un tel impact sur l’intellect. En effet, même un homme sage voit ses capacités diminuer au fil du temps et ne parvient plus à réaliser les prouesses de sa jeunesse. Sa vivacité d’esprit se veut impacter par le temps qui défile. La raison de ce phénomène trouve encore sa base dans le stock d’étincelles dont dispose la personne en question. Plus le travail est grand, plus les capacités requises pour l’accomplir doivent être proportionnelles. De fait, en début de vie, lorsque beaucoup d’étincelles nous habitent, nous devons disposer de grandes capacités. Toutefois, en fin de vie, la quantité d’étincelles ayant lourdement diminuée, les capacités nécessaires ne sont plus les mêmes, d’où la dégradation.
En ce sens, nous comprenons plus en profondeur le sens du verset que nous avons cité concernant Yaakov : « וַיִּקְרְבוּ יְמֵי-יִשְׂרָאֵל, לָמוּת ». Littéralement, ce verset devrait se traduire « et les jours de Yaakov se sont approchés pour mourrir », car, de façon concrète, les étincelles de la personne sont appelées des »jours » puisque c’est le temps durant lequel elles peuvent vivre et être réparées. Ce sont alors ces étincelles qui se sont approchés de Yaakov, car elles ont fini de monter dans le ciel, c’est pourquoi leur approche se fait « pour mourrir ».
Pour en revenir à notre paracha, le Or Ha’haïm ajoute que les noms des bné-Israël sont au sens propre, les noms des néchamot. C’est pourquoi, la torah dit « וַיֵּלֶךְ, מֹשֶׁה Moshé alla » sans préciser où. Car, il n’alla nul part dans ce monde. Il s’agit de son âme, et de toutes les étincelles de sa vie qui ont terminé de »partir » ou plus précisément de monter dans le ciel ! C’est à ce titre que Moshé sait que le jour de sa mort approche, car il a senti son tsélem le quitter.
Cela nous permet peut-être d’apporter un éclaircissement sur les propos de Rachi. Ce que nous venons de développer nous conduit à comprendre que le temps de vie d’une personne est ce qui lui permet d’élever les étincelles de sainteté de son corps vers le ciel. Il s’agit donc d’une extraction du matériel vers le spirituel. Une fois que ces particules ont fini d’être acheminées vers le ciel, il n’y a plus rien à élever du monde matériel, plus précisément il devient impossible d’établir une connexion qui part de la sphère terrestre vers la sphère céleste.
Sur cette base, le Réém (tel qu’apporté par le mayana chel torah sur nos versets) apporte une analyse extraordinaire du second verset . Avant sa mort, Moshé a atteint les niveaux les plus hauts qu’aucun être humain normal ne peut percevoir. Il a accédé aux sources même de la sagesse, qui sont fermées aux êtres de chairs et de sang. C’est pourquoi il dit : « לֹא-אוּכַל עוֹד, לָצֵאת וְלָבוֹא je ne peux plus sortir et entrer » à comprendre de la façon suivante : « לֹא-אוּכַל עוֹד je ne peux plus » être celui qui vous dirige, car cette fonction nécessite d’élever le monde matériel vers le spirituel. À ce titre la suite du verset précise « לָצֵאת וְלָבוֹא sortir et venir », dans le sens où il ne pourra plus faire sortir la sainteté qui se cache dans la matière afin de la faire venir dans le monde spirituel.
C’est là le sens des propos de Rachi, qui précise que les sources de la sagesse se sont obscurcies, car dorénavant, Moshé n’est plus capable de redescendre de sa grandeur et de s’adapter à la bassesse du peuple.
Ce n’est en réalité pas la première fois que Moshé atteint une sphère si haute qu’il se déconnecte du peuple. Comme chacun le sait, lorsqu’Hachem se dévoile à Moshé la première fois, le chargeant d’aller libérer son peuple, Moshé refuse. Au point, qu’Hachem insiste et se met en colère ! Lors de cette mise en colère, Rachi souligne un enseignement de Rabbi Yossi (Chémot, chapitre 4, verset 14). Ce dernier explique que Moshé Rabbénou était en effet destiné à devenir le cohen gadol. Toutefois, la colère d’Hachem à son égard lui a valu de perdre la prêtrise au profit d’Aaron !
Mais que signifie donc cette perte ? Dans les faits, Moshé a bien officié en tant que cohen pour l’inauguration du michkan ? Cela prouve bien qu’il n’a pas perdu son titre ?!
La réalité est peut-être telle qu’évoquée par le Sfat Émet (paracha tétsavé, année 651). Ce dernier développe l’idée selon laquelle, en effet, Moshé Rabbénou devait être le cohen gadol des bné-Israël. Mais cela n’était plus faisable à la suite de la faute du veau d’or ! En effet, avant celle-ci, les bné-Israël avaient atteint le niveau des anges en terme de sainteté. À ce titre, leur niveau spirituel permettait et nécessitait que Moshé rabbénou soit leur cohen gadol. Toutefois, au lendemain de cette faute, la condition spirituelle du peuple s’en trouve plus qu’atteinte ! La chute était telle, que le peuple ne pouvait plus supporter la puissance de Moshé en tant
que cohen gadol. C’est à cet instant qu’Aaron a scellé son accession au titre de cohen ! Toutefois, Moshé n’a pas réellement perdu ce titre. Ce qu’il a en réalité perdu, c’est la chance d’être un cohen terrestre ! Moshé ne pouvait être le cohen que de personnes du niveau des anges !
Cela nous montre un point important à garder à l’esprit, car il est plein de sens. Déjà au moment du don de la torah, Moshé parvient à une grandeur sans commune mesure avec l’humain standard. Il ne peut plus être le cohen des bné-Israël. Quel niveau ! Beaucoup s’en serait contenté pensant avoir atteint le sommet, mais ce n’est pas le cas de Moshé. Il a continué à chercher l’ascension au point de devenir
incompatible avec le monde, non pas seulement en tant que cohen, mais en tant que maître de la torah et plus encore en tant qu’homme dont la grandeur devient une incohérence avec l’état du monde et des fautes qu’il contient. C’est dire combien la vie d’une personne n’a pas de limite et que sans cesse il est possible de pouvoir atteindre des stades supérieurs de la sainteté. Le secret est sans doute celui-ci, à savoir ne jamais s’imposer de barrières, ne jamais se contenter de ce que nous avons accompli. Plus nous poursuivons les efforts, plus les sommets deviennent accessibles !
Chabbat chalom, ‘hatima tova, tizkou léchanim rabbot né’imot vétovot !
Y.M. Charbit
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